Lieux de mémoire : La synagogue de Besançon

Lieux de mémoire Yiddish pour tous

Bonjour à toutes et tous y compris celles et ceux qui n’ont jamais eu le plaisir d’aller flâner dans le Haut-Doubs ou en Franche Comté alors que la région vaut le déplacement et qui n’ont jamais traversé le saut du Doubs à sec. Comme j’ai été absent pendant 2 semaines j’ai laissé Internet et tout moyen de connexion au repos, aussi je viens de prendre connaissance des échanges et des posts.

En premier, sincères salutation à tous ceux qui ont rejoint YPLN et à groissè kish à tous ceux dont Charles a souhaité un bon anniversaire. Avec ma chère et tendre nous fûmes sur Aix les Bains pour le mariage du fils d’un couple d’amis cher à mon cœur. Nous ne sommes pas de la famille mais les liens qui nous unissent prennent racines à Kaluszyn où nos familles se connaissent depuis plusieurs générations. Lors du mariage nous étions installés à une table de 8 et quand notre hôte est venu pour nous présenter Martine et moi, c’était trop tard. Avec les 6 convives c’était comme ci on se connaissait depuis la rue Nowolipki à Varsovie pour ceux qui connaissent et de la rue Notre dame de Nazareth pour ceux qui ne connaissent pas Varsovie.

Parmi eux, Annie une assidue de YPLN, alors, nous n’avons pas fait que parler de guèfilstè fish, mais on a dit que du bien façon ashékénaze.

Une communauté yid créa en 1933 à Aix les Bains une yéshiva. Avec le temps ashkénazes et sépharades se sont unis et comme l’a écrit un jour l’un des nos amis sur YPLN il faut dire ashkérades et sépharnazes. Sauf que…Pendant la cérémonie sous la houppa où le rabbin accomplissait le rituel, tous les amis ashkénazes ont été pris d’un fou rire. Le rabbin sépharade n’a jamais été capable de prononcer correctement le nom de famille du marié. Il n’a jamais été capable de prononcer la première syllabe du nom, comme si les 2 consonnes et la voyelle n’existaient pas dans l’alphabet. A la deuxième ; il s’étranglait au niveau du larynx en cherchant encore comment il devait prononcer la première syllabe. A la troisième il sentait comme un genre d’évasion cérébrale, celle qui vous fait comprendre parfois dans certaines situations que vous auriez mieux fait d’être ailleurs. Et pour ce qui est de la quatrième syllabe se fut une véritable débandade car il s’excusait de ne pas avoir été capable d’apprendre à prononcer correctement le nom de famille bien qu’il eut toute une semaine pour apprendre le nom. Comme il devait prononcer le nom à plusieurs reprises pendant la cérémonie je vous assure qu’à la table on en a rigolé jusqu’au bout de la nuit. Merveilleux mariage et merveilleuse soirée. Forcément on parle schmatess entre ashkénazes. Bien évidemment si dans nos familles il y avait eu des diamantaires on aurait parlé de pierres et de Paul.

Mon voisin de gauche s’appelait aussi Jean-Claude. Il avait aussi pratiqué l’ORT pour y apprendre le métier de mécanicien (mais non, pas de locomotive) et à l’âge de 16 ans son premier emploi fut dans un atelier situé dans le passage Brady à Paris. Je lui ai dit que Edouard Z. un cousin de mon père y tenait un atelier. Et la vie est pleine d’imprévue. Il avait fait ses débuts et était resté 10 ans à pratiquer son métier chez le cousin de mon père. Après quelques jours sur Aix les Bains nous sommes allés sur Besançon.

Exactement à Bouclans petit village où vivent des cousins à Martine. Bezac’/Bzac c’est Besançon appelé familièrement par les gens du cru et avec l’accent cher à notre cœur « Baïzansson ». La ville possède une forteresse érigé par Vauban et celle de Terezin/Theresienstadt qui date du 18ème siècle fut bâtit selon le même principe et le style de Vauban. Le passé yid de cette région française est riche en histoire. Il faut remonter au Moyen-âge pour y voir l’implantation des premiers arrivants. Il y a des sépharades qui ont fuit l’Espagne, le Portugal et les pays d’Afrique du Nord. Au 14ème siècle, Besançon et les alentours sont une place privilégiée sur les routes qui permettent le commerce entre l’Italie et l’Allemagne.

Le gouvernement communal accorde aux juifs des autorisations de séjour moyennant un droit « d’entrage » et un « cens annuel ». En 1393, 12 familles juives y résident et peuvent entretenir le dénommé Joseph de Trèves en tant que « maistre de leur escole ». Un peu plus tard les membres de la communauté sont des bouchers, banquiers, orfèvres, petits artisans. A plusieurs reprises, les plus riches d’entre eux avancent de l’argent à la cité. Les ashkénazes viendront bien plus tard. La plupart de ces commerçants, ont un petit plus qui est de parler plusieurs langues ou dialectes et de connaitre les ficelles du négoce et des tractations. La communauté prolifère dans ce qui est appelé la « Boucle du Doubs ». La ville possède le statut de cité impériale et les juifs sont autorisés à y vivre et à prospérer jusqu’au 15ème siècle. Pourtant, ils ont tous été chassés du royaume de France et d’autres pays européens, mais Besançon n’est pas encore en France. Malgré tout pour faire comme dans un grand nombre de lieux et de pays les juifs sont accusés de complot et d’empoisonnement. Ils ne reviendront qu’à partir de 1791 lorsque la citoyenneté française leur est accordée. De nombreux juifs d’origine alsacienne qui parlent le yiddish viennent s’y établir avec un autre art de vivre. Je n’ai pas de chiffre à donner mais au 19ème siècle la communauté est importante. Une première synagogue voit le jour en 1830. Elle est dans un immeuble rue de la Madeleine. Trop petite elle est remplacée en 1869 par celle qui est en place actuellement. En 14/18 un petit nombre de combattants juifs meurts au combat. A la veille de la seconde guerre mondiale la ville accueille environ 2500 juifs avant que ceux-ci ne soient rattrapés par le régime de Vichy et l’armée allemande. Dans les années 60 arrivent d’Afrique du Nord un grand nombre de famille sépharades.
La synagogue de Besançon est au 27, quai de Strasbourg dans le quartier dit du battant. C’est Pierre Marnotte un architecte franc-comtois qui a bâtit le temple. La syna est dans le style sépharade, et même mauresque dans la conception et la construction, avec des tours dans l’esprit minaret et une porte d’entrée comme celle d’un bâtiment arabe. Les Tables de Loi sculptées sur le fronton font référence au judaïsme alors que tout le reste fait penser à une mosquée. Elle est classée aux monuments historiques. Les rouleaux de la loi ainsi que des meubles doivent leur sauvegarde à l’archevêque de Besançon Mgr Maurice-Louis Dubourg et de ses amis d’enfance le Dr Maxime Druhen et du chanoine Rémillet qui ont cachés pendant la guerre tous les éléments servant au rituel. Lors de l’inauguration de la synagogue le rite était ashkénaze du fait de la présence importante de cette communauté. Cela a totalement changé dans les années 60 avec la venue des sépharades. La révolution industrielle de Besançon se fait au 19ème siècle quand la famille Lippmann fonde « Lip » cette célèbre marque de l’horlogerie française et mondiale. La région est riche en horlogerie et de nombreux yids pratiquent ce métier. La société Lip fut le moteur de cette région horlogère et Lip est indissociable de la ville de Besançon, d’ailleurs 60% de l’industrie horlogère appartenait à Lippmann. Des familles juives ont laissé des traces dans la ville et des rues portent leur nom.

Napoléon premier consul reçu en cadeau une montre gousset de chez Lip en 1800. Rebelote en 1807. Pour mes 15 ans mes parents m’ont offert une montre bracelet Lip. Elle fonctionne à merveille et n’a été nettoyé qu’une seule fois depuis. Je la porte lorsque je me rends à Bagneux. Jean Mermoz portait le model « La Croix du Sud ». La référence T18 fut offerte à Sir Winston Churchill et le model dit « l’électronique » fut porté par le général de Guelle et le président Eisenhower. Pas très loin de Besançon s’élève le château de Clementigney plus connut sous le nom « de château de la juive » qui appartenait à la famille Lippmann. Ce lieu fut ensuite pendant un certain temps un restaurant réputé qui s’arrêta en 2000. Voilà vous en savez un peu plus sur « Baïzansson ». Pour répondre à ceux qui m’ont souhaité de bonnes vacances, Alain me parlait de manger de la cancoillotte à l’ail et Sylviane criait son enthousiasme pour ce fromage.

Alors, avec une belle-maman née à Charquemont dans le Doubs j’ai fait la connaissance il y a plus de 40 ans de la truite au bleu ; le « guefilté fish » du coin au moins par son appréciation et ses nombreux supporters, ainsi que d’autres spécialités de la région. La cancoillotte est à ma table depuis 1975 et je ne parlerais pas des diverses saucisses et des jambons du Haut-Doubs et de la Franche-Comté pour ne pas froisser ceux qui ne pensent et ne vivent que kasher. Parmi les anecdotes délicieuses que j’aime raconter en voilà une.

Ma dulcinée d’amour œuvre depuis sa retraite dans une association caritative. Elle y est tous les après-midi et parfois le matin au cas où. Lors d’une journée pleine elle est allée chercher des sandwichs à la boulangerie du coin pour que les bénévoles puissent se sustenter.

Elle a demandé une vingtaine de sandwich au jambon.

Le boulanger a répondu « poulet ou dinde ? » Martine a répondu : ni l’un ni l’autre, ça ce n’est pas du jambon, pour moi le jambon … c’est du porc. Ah, désolé madame ici on ne fait pas de porc. Bon dit Martine désolé je vais aller ailleurs. Mais « « madame dit le boulanger, « poulet ou dinde c’est la même chose que le jambon de porc ! »

Il le sait par expérience culinaire sans doute. Demain si un restaurateur me dit que le chat c’est comme du lapin je ne tenterais pas l’expérience malgré tout. Nous n’avons pas pu entrer dans la synagogue de Besançon. Toute la façade avant était protégée par des barrières métalliques et il était impossible de venir sur le trottoir, j’ai pris les photos du trottoir d’en face. A guit shabess à toutes et à tous.