Marc Chagall’s ershter froy, Bella Rosenfeld (1895 Vitebsk – 1944 New-York), iz geven a yiddishe shrayberin. Ire tsvey autobiografishe bikher zaynen aroysgegebn gevorn durkh Marc Chagall, nokh ir toyt.
Dos ershte bukh « Brenendike likht», in 1947 un dos tsveyte «Di ershte bagegenish» in 1983. Chagall’s tekst iz der araynfir tsu «Di ershte bagegenish».
Forrede
« Ven ikh, tayere Bella, volt geshribn
briv, vi an emeser shrayber – volt ikh zey
beser gemolt. Far verter shem ikh zikh.
Men darf zey shtendik oysbesern. Ober mir
vilt zikh dir shraybn, kedey du zolst mir
entfern un shraybn vegn alts, vegn alts … »
Bela hot zikh geklibn tsu zayn an aktrise. Zi hot geshpilt
Teater. Men hot zi geloybt. Bin ikh gekumen fun Pariz, hob
mit ir khasene gehat un mir zaynen tsurikgeforn keyn Frankraykh.
Oys teater-khaloymes …
Yorn lang hot mayn kunst gefilt ir libe-virkung. Mir
hot zikh ober oysgevizn, az epes in ir vert farshvign, az
epes rukt zikh op on a zayt.
Ikh hob geklert, az bay Belan in harts lign oytsres, vi
ir « shnirl perl », faykhte fun libe. S’trogt zikh fun ire lipn
an otem aza, vi der ershter kush ; a kush aza, vi der dursht
nokh gerekhtikeyt …
Hot zi zikh geshemt far mir, far laytn, vos zi hot davke
gevolt blaybn in shotn ?
Biz zi hot derhert di yiddishe neshome, derzen dem goles fun
di letste yorn, un ir shprakh iz vider gevorn di shprakh fun
ire Eltern.
Ir stil – « Brenendike Likht » « Di Ershte Bagegenish » –
a stil fun a yidisher kale in der yidisher literatur.
Zi hot geshribn azoy vi zi hot gelebt, vi zi hot gelibt,
vi zi hot oyfgenumen fraynt. Ire verter un shures
zaynen vi geotemte farb oyf a layvnt.
Tsu vemen enlekh ?
Zi dermont keynem nit. Zi iz Bashenke-Belotshke fun dem
barg in Vitebsk, vos shpiglt zikh in der Dvine, mit di
volkns, mit di beymer un mit di hayzer.
Zakhn, mentshn, landshaftn, yidishe yom-toyvim, blumen –
dos iz ir velt un dos dertseylt zi.
Ire shures, lange un kurtse, geshribene un getrakhte,
ire verter, vos do tsevaksn zey zikh un dortn filn zey zikh
nor, ot vi in a tseykhenung feln oys amol eynike shtrikhn un
pintlekh, kedey zey zoln zikh nor filn in der heler luft.
Ikh fleg zi letstns oft trefn in der tifer nakht, zitsndik
in bet bay a kleyn lempl – leyenen yidishe bikher. Ikh fleg
ir zogn :
— Azoy shpet ? Leyg zikh beser shlofn.
Mit a por vokhn far ir eybikn shlof – nokh frish un sheyn
vi shtendik – zey ikh zi in tsimer fun undzer zumer-plats. Zi
leygt fanander ire bashribene papirn. Do – farendikte
zakhn, do skitsn un do – kopies. Freg ikh zi mit a bahaltener
shrek :
— Vos epes mit amol aza ordenung ?
Entfert zi mir mit a bleykhn shmeykhl :
— Ot azoy vestu visn vu, vos es ligt …
Alts in ir iz geven der shtiler un tifer forgefil.
Ot ze ikh funem hotel-fentster, vi zi zitst oyfn breg
ozere farn arayngeyn in vaser. Zi vart oyf mir. Alts in
ir hert zikh tsu epes tsu, vi amol, ven zi iz nokh geven a kleyn
meydele un hot zikh tsugehert tsum vald oyf der datshe.
Ikh ze ir rukn, ir dinem profil. Zi git zikh nit keyn rir.
Zi vart, trakht … un zet shoyn efsher « yene veltn » — — –
Veln hayntike, farnumene mentshn, zikh fartifn in ir
velt, in ir shraybn ?
Ikh kler, az shpeter veln kumen andere un veln der-
shmekn ire blumen, ir kunst.
Ire letste verter tsu mir zaynen geven :
— Mayne heftn — — — —
A shtarker duner un a kurtser gos-regn hobn oysgebrokhn
zeks azeyger in ovnt dem tsveytn september 1944, ven Bela
iz avek fun der velt.
Mir iz fintster gevorn in di oygn. M.C.
La première femme de Chagall, Bella Rosenfeld (1895 Vitebsk – 1944 New-York) était une écrivaine yiddish. Ses deux livres autobiographiques ont été édités par Marc Chagall après sa mort. Le premier livre «Les lumières allumées»*, en 1947, et le deuxième «La première rencontre»** en 1983. Le texte de Chagall est la préface de «La première rencontre».
Avant-propos
“Si moi, chère Bella, j’écrivais
des lettres, comme un véritable écrivain — je les
peindrais plutôt. Les mots m’intimident.
On doit toujours les corriger. Mais moi
j’ai envie de t’écrire, afin que tu me
répondes et m’écrives à propos de tout, à propos de tout …”
Bella avait l’intention d’être une actrice. Elle jouait au théâtre. On faisait son éloge. Et je suis arrivé de Paris, l’ai épousée et nous sommes retournés en France.
Fini les rêves de théâtre …
Des années durant, mon art a éprouvé l’action de son amour. Mais il s’est révélé à moi que quelque chose en elle était passé sous silence, que quelque chose était mis de côté.
J’ai pensé, que dans le cœur de Bella, se trouvaient des trésors, comme son « rang de perles », imbibées d’amour. Il se diffuse de ses lèvres, un souffle comme d’un premier baiser ; un baiser tel que la soif de justice …
A-t-elle eu honte face à moi, face aux gens, du fait qu’elle voulait justement rester dans l’ombre ?
Jusqu’à ce qu’elle entende <à nouveau> l’âme yiddish/juive, aperçoive <prenne conscience> l’exil des dernières années, et sa langue est à nouveau devenue celle de ses parents.
Son style – « Les Lumières Allumées » « La Première Rencontre » – le style d’une fiancée juive dans la littérature yiddish.
Elle écrivait comme elle vivait, comme elle aimait, comme elle accueillait les amis. Ses mots et ses phrases sont comme de la peinture soufflée <respirée> sur une toile.
“a yidishe kale in der yidisher literatur ” !!!!
A qui ressemble-t-elle ?
Elle ne rappelle personne. Elle est Bashenke-Belotshke de la montagne à Vitebsk, qui se mire dans la Dvina, avec les nuages, avec les arbres et avec les maisons.
Objets, êtres humains, paysages, fêtes juives, fleurs – voilà son monde et c’est cela qu’elle raconte.
Ses phrases, longues et courtes, écrites et pensées, ses mots, qui ici se déploient et là se font à peine sentir, comme il manque quelquefois dans un dessin quelques traits et points, afin qu’ils ne soient perçus que dans l’air pur.
Dernièrement, je la rencontrais souvent, dans la nuit profonde, assise dans son lit à la lumière d’une petite lampe – en train de lire des livres yiddish. Je lui disais alors :
— Tellement tard ? Va plutôt dormir.
Quelques semaines avant son sommeil éternel – encore fraîche et belle comme toujours – je la vois dans la chambre de notre villégiature d’été. Elle étale ses papiers couverts d’écriture. Là – des choses terminées, là des esquisses er là – des copies. Je lui demande, avec une frayeur dissimulée :
— Pourquoi donc un tel ordre tout d’un coup ?
— Elle me répond avec un pâle sourire :
— Ainsi tu sauras où cela se trouve …
Tout en elle était silencieux et profond pressentiment.
Voilà que je vois, depuis la fenêtre de l’hôtel, qu’elle est assise sur le bord de l’étang, avant d’entrer dans l’eau. Elle m’attend. Tout en elle est à l’écoute de quelque chose, comme autrefois, quand elle était encore une fillette et qu’elle écoutait attentivement la forêt, en vacances.
Je vois son dos, son fin profil. Elle ne fait pas le moindre mouvement.
Elle attend, elle pense …. Et peut-être voit-elle déjà « l’autre monde » –
Les gens d’aujourd’hui, affairés, vont-ils se plonger dans son monde, dans ses écrits?
Je pense, que plus tard, viendront d’autres qui percevront ses fleurs, son art.
Ses derniers mots pour moi ont été :
— Mes carnets — — — —
Un puissant coup de tonnerre et une courte averse ont éclaté à six heures dans la soirée du 2 septembre 1944, quand Bella a quitté ce monde.
L’obscurité s’est emparée de mes yeux. M.C.