“Je suis retournée vers les partisans qui devaient m’emmener au commandant Bulak.
Et j’ai dit:” Vous savez, je veux revenir parce que tout le monde a été tué et que je reste toute seule”.
Il a dit: “Ouais, je sais que vous les filles voulez rejoindre le groupe pour prendre du bon temps. Tu ne veux pas te battre”.
J’ai dit: “Non, je veux me battre. Je veux venger mes soeurs et mes frères et mes parents”.
Il a dit: «Eh bien, je vais te prendre mais à une seule condition». J’ai dit: «Quelle est la condition? ‘Tu monteras la garde pendant deux semaines, mais à un kilomètre du groupe. Nous te donnerons un cheval, nous te donnerons un fusil, nous te donnerons un pistolet. Et tout ce que tu entendras, le moindre petit bruit, tu devras nous le faire savoir. J’ai dit: “D’accord”.
(Gertrude Boyarski)
Née en 1922, le 2ème jour de Rosh Hashanah, Gertrude ‘Gertie’ Boyarski était une adolescente qui avait vécu une vie tranquille avec sa famille dans la ville de Dereczyn (Derechin), en Pologne, jusqu’à ce que les Allemands l’envahissent en 1941. Les nazis enfermèrent la majorité des Juifs de la ville dans un ghetto, mais ils estimèrent que le père de Gertie – un boucher et peintre en bâtiment – était un Juif “utile”. Les Boyarskis furent donc emmenés dans un immeuble gardé juste devant l’entrée du ghetto.
Le 24 juillet 1942, une nuit de terreur s’abattit sur le ghetto. Les Allemands commencèrent à massacrer les 3 000-4 000 Juifs de la ville. La famille Boyarski réussit à s’échapper dans une forêt voisine, où ils espéraient rejoindre une unité de partisans. Pour faire leurs preuves aux yeux des partisans, le père de Gertie, son frère et d’autres Juifs durent s’en retourner littéralement les mains nues et attaquer le poste de police de la ville. Ils réussirent, tuèrent les gardes et emportèrent les armes et les munitions du poste, mais pendant les mois suivants, Gertie et sa famille durent rester dans un camp familial avec d’autres réfugiés non-combattants. Le camp était dénué de protection, et Gertie vit sa mère, son père, sa sœur et son frère assassinés sous ses yeux dans des attaques surprises de soldats allemands et de Polonais antisémites qui faisaient la chasse aux Juifs dans les bois.
Privé de famille et avide de vengeance, elle quitta l’abri du camp familial où elle vivait et chercha à rejoindre un détachement partisan sous la direction du commandant russe Pavel Bulak, qui l’écarta au départ. Mais Gertie insista, disant: “Je veux me battre et venger toute ma famille”.
Impressionné par sa détermination, Bulak l’accepta sous une condition: elle devait monter la garde seule pendant deux semaines, à un kilomètre du campement partisan. “J’étais seule dans les bois … chaque fois que j’entendais un petit bruit, je pensais que c’était des Allemands … Deux semaines – c’était comme deux ans”. Mais Gertie persista et fut acceptée dans le groupe. Elle combattit avec les partisans pendant trois ans, attaquant avec détermination les soldats allemands qui venaient dans les villages environnants.
Gertrude obtint le plus haut honneur militaire de l’Union soviétique, l’ordre de Lénine. En l’honneur de la Journée internationale de la femme, Gertie et son amie – toutes deux adolescentes – se portèrent volontaires pour une dangereuse mission: démolir un pont en bois utilisé par les Allemands. Comme ils n’avaient pas d’explosifs, ils marchèrent jusqu’à un village du coin et demandèrent du pétrole et de la paille. Quand on leur répondit qu’il n’y en avait pas au village, Gertrude et ses amis dégainèrent leurs armes et donnèrent cinq minutes aux villageois pour trouver les fournitures. Les villageois obéirent rapidement.
Gertie et son amie se faufilèrent jusqu’au pont, préparèrent le feu et l’allumèrent. Les soldats allemands aperçurent les flammes et commencèrent à tirer. En réponse, les filles saisirent des morceaux brûlants du pont et les jetèrent dans la rivière jusqu’à ce que le pont ait été détruit. “Nous ne nous sommes pas dégonflées”, dit Gertie.
Gertie et ses partisans accomplirent de nombreuses autres missions pour combattre l’ennemi. En 1945, elle épousa un camarade partisan, et ils s’installèrent aux États-Unis. Gertie resta toute sa vie aux prises avec la question: pourquoi avoir survécu à la guerre quand tant de personnes périrent. “J’étais la seule à avoir survécu. Pourquoi? Pourquoi? Je me pose toujours cette question.”
Son message à ceux qui étudient la Shoah était que «ils ne devraient pas avoir peur de leur identité, quelle que soit la couleur, la race ou la nationalité – et ils devraient se battre pour cela».
Gertrude s’est éteinte le 17 septembre 2012, premier jour de Rosh Hashanah, à l’âge de 90 ans.
(Source: Jewish Partisan Educational Foundation)