Sara Ginaite naquit en 1924 à Kovno (Kaunas), en Lituanie, à l’époque capitale du pays. Elle reçut son instruction secondaire dans un lycée de langue lituanienne – à Kovno, les jeunes Juifs avaient la possibilité de s’instruire dans différentes langues, lituanien, hébreu, yiddish, russe, allemand, polonais. L’occupation soviétique de la Lituanie en 1940 mit un terme à tout enseignement du judaïsme. Sara avait décidé de quitter l’école lorsque l’Allemagne nazie envahit le pays en 1941. Trois de ses oncles furent tués pendant le pogrom de Kaunas, un massacre de juifs que les nazis incitèrent la population lituanienne à effectuer. Le pogrom perpétré les 28 et 29 octobre, entraîna en 48 heures, la mort de 9200 personnes, dont près de la moitié étaient des enfants. Les membres survivants de la famille de Sara furent enfermés dans le ghetto de Kovno, avec 40 000 Juifs.
Alors qu’elle séjournait dans le ghetto, Sara rejoignit l’Organisation de Lutte Anti-fasciste (AFO) pour participer à la résistance contre les nazis. “Si c’était mon destin de mourir, je mourrai à ma façon”.
A une occasion, elle sortit clandestinement du ghetto pour entrer en contact avec d’autres partisans et collecter des informations. Elle franchit sans encombre le pont qui reliait Kaunas à Villiampole, rencontra son contact, mais au retour s’aperçut qu’elle était surveillée. Elle continua à avancer sur le pont. L’homme la suivit et bien que boiteux commença à la rattraper. “Nerveusement, je regardais la rivière Néris qui coulait en-dessous. Si je ne réussis pas à lui échapper, je saute.” Elle réussit, non sans peine, à rejoindre le ghetto saine et sauve. Elle relate cette expérience dans un de ses livres. “Le souvenir de la course sur le pont, de la décision de me jeter dans la rivière, continue à me hanter. Je n’arrive pas à effacer ce souvenir de ma mémoire. Je ne peux toujours as traverser un pont toute seule. J’ai peur d’être saisie du désir irrépressible de sauter dans l’eau.”
Sara noua une relation affective avec le chef charismatique de la jeunesse, Misha Rubinson, et les deux se marièrent en 1943. Le couple s’enfuit du ghetto de Kovno cet hiver-là, s’échappant vers la forêt de Rudninkai où ils établirent une unité de partisans dénommée «Mort aux occupants» .
Sara Ginaite retourna dans le ghetto de Kovno deux fois pour aider d’autres évasions, une fois déguisée en infirmière prétendant qu’elle était là pour escorter quatre travailleurs malades.
En 1944 , Ginaite et Rubinson participèrent à la libération des ghettos de Vilna et Kovno. Mais à ce moment-là, 90% des populations juives à l’intérieur de ces ghettos avaient déjà été exterminées. Toute la famille de Ginaite comptait parmi les morts,à part sa soeur et une jeune nièce.
Après la guerre, Ginaite dût lutter contre l’antisémitisme ambiant pour devenir professeur d’économie politique à l’Université de Vilnius, où elle publia des livres primés sur la Shoah en Lituanie. A la suite de la mort de son mari en 1983, elle déménagea au Canada avec ses deux filles et y poursuivit sa carrière universitaire.
On peut écouter sur youtube son témoignage enregistré pour Yad Vashem (en anglais)
La photo a été prise par un commandant juif de l’armée rouge, étonné de voir une femme partisan montant la garde.
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