Benjamine de quatre enfants, Liza Czapnik nait en 1922 à Grodno, en Pologne (aujourd’hui Hrodna, Biélorussie) dans une famille de la classe moyenne qui observe les traditions juives jusqu’à l’occupation soviétique en septembre 1939. Liza fait sa scolarité à l’école polonaise et au lycée juif. Son père, Joseph, tient un magasin de boutons et sa mère, Ethel-Esther, est couturière.
Pendant l’occupation soviétique (1939-1941), Liza fréquente l’école no 9 et est inscrite au Komsomol (Organisation de jeunesse communiste). Elle termine ses études le 21 juin 1941. Le lendemain, l’Allemagne envahit l’Union soviétique. Liza et sa famille s’enfuient alors que les Allemands avancent vers Grodno mais ses parents retournent dans la ville. Elle-même, sa soeur Sarah et son frère Grisha continuent jusqu’à Stolpce (Stowbtsy). Les chars allemands les encerclent, les soldats arrêtent les hommes mais libèrent les femmes. Son frère se trouve parmi les détenus dans des camps pour prisonniers russes à Stolpce, où ils ne sont pas nourris pendant cinq jours. D’ores et déjà, Liza se distingue par sa détermination et son assurance. Elle obtient auprès des Polonais du pain et de l’eau qu’elle distribue aux prisonniers. Les gardes allemands la frappe mais elle ne s’en va pas tant que son frère n’est pas relaché. Avec lui et sa sœur, elle marche jusqu’à Baranowicze (Baranavichy), d’où elle continue seule pour rejoindre des parents de Dereczyn (Derechin). En août 1941, sur le chemin de Dereczyn à Slonim, elle est témoin d’un massacre en masse de Juifs. Elle se cache dans le creux d’un arbre où elle est trouvée par une femme biélorusse qui lui explique que les personnes assassinées étaient les Juifs de Slonim et lui suggère de se faire passer pour sa nièce. Après plusieurs jours à Slonim, elle retourne à Dereczyn et de là à Grodno avec un charretier polonais qui prend le mobilier de sa famille en échange de la conduire. On est fin 1941.
Dans le ghetto, Liza vit avec treize autres personnes dans un petit appartement de deux pièces. Elle et son frère sont obligés de se cacher car ils sont recherchés par la Gestapo. Leurs noms figurent sur la liste des intellectuels juifs, dont certains ont été tués pendant que Liza était à Dereczyn. Déçue par la réaction d’incrédulité à son récit du massacre de Slonim, elle consacre beaucoup de temps et d’efforts à l’activité clandestine: écoute des informations sur une radio cachée dans le grenier de l’une des maisons, récit des événements de Slonim dans des bulletins d’information distribués à des connaissances juives, rencontres avec des membres de la résistance et préparation de faux papiers. Dans le débat sur les modes d’opératoires, Liza s’oppose à la lutte armée et préconise de lquitter le ghetto pour rejoindre les partisans.
En octobre 1942, son père est arrêté quand elle et son frère, qui ont fui à Bialystok, ne sont pas retrouvés chez eux. En novembre 1942, ses parents et autres membres de sa famille sont déportés à Kielbasin (un camp de transit avant le transport vers les camps d’extermination) et ensuite à Treblinka. Un mois plus tard, Liza quitte Grodno pour Bialystok, équipé de faux papiers au nom de Maria Mrozowska et des noms et adresses de personnes à contacter à destination. Avec l’aide de son frère Grisha, elle prend contact avec les membres de la résistance dans le ghetto de Bialystok.
En janvier 1943, Liza, qui était un membre de Komsomol, est envoyée du côté aryen de Bialystok pour obtenir une carte d’identité basée sur ses faux papiers. En mars 1943, sa soeur Berta et son mari sont transférés à Bialystok et, en août 1943, Berta, Grisha et Sarah sont déportés de Bialystok à Treblinka. Sarah saute du train et est abattue.
Les papiers de Liza lui permettent d’obtenir des papiers d’identité allemands et elle trouve un endroit pour vivre du côté aryen où elle travaille comme éplucheuse de pommes de terre dans la cuisine de la gare. Du coup, elle reçoit également un certificat du Ministère du travail. Avec Hasia Bielicka, elle réussit à trouver un autre emploi d’éplucheuse de légumes et de femme de ménage dans la cuisine des SS. Liza réussit réussit à se faufiler régulièrement dans le ghetto par une cour commune au ghetto et au côté aryen, afin de recevoir des missions de la résistance du ghetto. Sa première mission consiste à trouver des cachettes avec cave ou grenier pour elle-même et d’autres membres de la résistance. Une autre mission consiste à établir des contacts avec les anti-fascistes polonais, russes et biélorusses. Elle prend contact avec des membres de la résistance qui travaillent dans des endroits stratégiques tels que l’aéroport et la centrale électrique. Avec d’autres jeunes juives, elle parvient à établir des liens avec divers groupes antifascistes et à les unifier en une seule organisation. Les jeunes femmes fournissent des renseignements sur les Allemands et, plus tard, des armes obtenues de diverses façons.
En février 1943, Liza se rend à nouveau au ghetto de Grodno en entrant avec un groupe de travailleurs. Elle emmene sa nièce Alloczka de dix ans, l’amene à sa cachette à Bialystok et la rend à ses parents, qui sont arrivés au ghetto de Bialystok avec le reste des Juifs de Grodno en mars 1943. Après avoir sauvé sa nièce, elle change d’appartement pour se rendre dans une pièce secrète d’une autre rue. La chambre dispose d’une cave où des armes, des tracts, des papiers et des cartes sont cachés, ainsi que toute personne venant de la forêt. Elle maintient le contact avec la résistance juive dans le ghetto, fournissant des informations et obtenant des armes et des cartes. Elle renoue également le lien avec la résistance non juive, dissimulant des armes avec les autres jeunes femmes: Hasia Bielicka, Ania Rud, Marylka Rozycka, Bronia Klibanski (Winicki), Haika Grosman et Rivka Madajska.
Dans son rapport d’août 1944 Liza donne quelques exemples concrets des activités de liaison des résistantes juives: “Elles ont réussi, par exemple, en se faisant passer pour des trafiquantes de nourriture qui allaient de Grodno à Bialystok, en Septembre 1943, à transporter une mitrailleuse dans une grande valise. C’est seulement grâce à l’habileté, la précision et l’ingéniosité des camarades B. (Bronja) Viriicka et C. (Tchaïka) Grossman, qu’il a été possible d’apporter la mitrailleuse à l’unité de partisans juifs. Les camarades M. (Marylka) Rözyckaund, A. (Anja) Rud ont transporté une mitrailleuse et des fusils enveloppées dans des serviettes en plein jour à travers la ville. Au total furent transmis: 20 fusils, 4 mitrailleuses, plus de 22 pistolets, 30 boussoles, plus de 60 grenades.”
Lorsque le ghetto de Bialystok est liquidé dans “l’Aktion” d’août 1943, le lien entre les jeunes femmes juives est renforcé et elles opèrent ensemble. Elles commencent à aider les survivants juifs à atteindre le côté aryen et de là à continuer jusqu’à la forêt. Jusqu’en avril 1944, Liza est l’un des liens entre les Juifs qui restent cachés à Bialystok et les partisans, fournissant des vêtements, des armes, des médicaments, des cartes et des compas pour l’unité partisane juive Foroys (yiddish “En avant”) menée par Alexander Suhaczewski et la commissaire Rivka Voiskowska.
Lorsque la force partisane se forme dans leur région, Liza est choisie pour superviser les activités dans la forêt et faire rapport au commandement de la brigade. Sur ordre spécial de Moscou d’unir toutes les forces antifascistes, elle est chargée d’entrer en contact avec l’Armia Krajowa, AK (l’organisation militaire clandestine polonaise), qui, pour des raisons politiques, a combattu les partisans soviétiques. Avec l’aide de Bronia Klibanski, plusieurs membres de l’AK sont amenés au quartier général de la brigade partisane, se joignent aux combats et sont ensuite soulagés de leurs armes. En avril 1944, Liza est nommée présidente de l’organisation de résistance antifasciste de Bialystok. Les autres membres sont Bronia Klibanski du Dror, Haika Grosman, Hasia Bielicka du HaShomer, Marylka Rozycka des communistes et Ania Rud.
Après la libération, Czapnik retourne à Grodno avec Hasia Bielicka et Ania Rud. En 1945, elle part étudier à Moscou et, en 1949, suit des études universitaires à l’Institut pédagogique des langues étrangères de Moscou. Après avoir terminé ses cours de troisième cycle en 1952, elle reçoit son doctorat de l’Institut. Elle se marie avec Ilya (Joel) Mashevitzky en 1951 et déménage à Ryazan, où elle enseigne l’anglais et la traduction. Leur fils Grisha nait en 1954. Elle reste à Ryazan jusqu’à l’émigration en Israël en 1991.
Liza Czapnik s’est éteinte il y a quelques mois, le 11 juillet 2016, à l’âge de 94 ans. Que sa mémoire soit bénie!
(Sources: Tikva Fatal Kna’ani in Jewish Women’s Archive et Ingrid Strobl “Die Angst kam erst danakh: Jüdische Frauen in Widerstand 1939-1945”
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