Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la Bulgarie était alliée à l’Allemagne nazie. En conséquence, elle n’a jamais été occupée par les troupes allemandes et la résistance
fut en grande partie une affaire intérieure bulgare. Néanmoins, il y eut une résistance au gouvernement du Tsar Boris III et à ses politiques antisémites pro-nazies, et cette résistance incluait une importante participation juive.
Tout au long des années 1930, la Bulgarie sous la direction du Tsar était devenue plus étroitement liée à l’Allemagne économiquement, politiquement et militairement et, en mars 1941, elle s’alliait formellement avec l’Allemagne nazie. Elle facilita ensuite l’invasion par l’armée allemande du nord de la Grèce et de la Yougoslavie et occupa des parties de ces régions. Cette occupation servait un double but: libérer les forces allemandes pour l’opération Barbarossa – l’attaque contre l’URSS.- et récupérer des territoires dont les nationalistes estimaient la Bulgarie injustement amputée après la Première Guerre.
Le mouvement de résistance commença peu de temps après et comprenait des éléments armés et non armés. Il
grandit lentement d’abord et s’accrut jusqu’à la prise de pouvoir par le Front de la Patrie dominé par les communistes le 9 septembre 1944.
Au cours de cette période d’environ trois ans et demi:
– La résistance était intégrée ethniquement: il n’y eut jamais de formations juives séparées.
– Contrairement à la situation dans des pays comme la Yougoslavie, la Grèce, la Pologne, la France et d’autres, il n’y eut jamais qu’une seule force partisane, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas des forces distinctes fondées sur l’allégeance politique.
– Alors que les forces partisanes n’ont jamais été considérables, en particulier par rapport à la Grèce, la Yougoslavie et les pays du Nord, elles étaient néanmoins plus grandes que celles des autres alliés des nazis comme la Roumanie et la Hongrie.
– Les groupes partisans opéraient principalement dans les zones rurales se livrant au sabotage des moyens de transport, des voies de communication et des dépôts d’approvisionnement, plutôt qu’à des combats contre les Allemands ou l’armée bulgare.
– La résistance armée a également pris la forme de petits groupes de combat (Boynite Grupi) opérant dans les zones urbaines. Les membres vivaient clandestinement parmi la population urbaineet commettaient des actes de sabotage et des assassinats. Les actions les plus notoires furent les exécutions du général Hristo Lukov, le chef des Légionnaires fascistes et du colonel Atanas Pantev, un allié de Lukov et chef du Tribunal militaire de Sofia par un groupe de Sofia
qui comprenait les combattants juifs Miko Papo, Leon Kalora et Violeta Yakova.
– En plus des 6 à 10000 combattants armés, la résistance incluait de nombreux non-combattants qui faisaient des émissions de radios clandestines, imprimaient et distribuaient des journaux et des brochures, des aides qui fournissaient de la nourriture, un abri, une assistance médicale, des informations. On estime qu’il y avait 25 à 30 000 de ces partisans.
– La participation des combattants juifs à la résistance a été 3 à 4 fois plus importante, proportionnellement, que celle de la population non-juive, sans compter les nombreux partisans et membres de la résistance non armée.
– Les partisans juifs étaient jeunes, plus de 56% avaient 20 ans ou moins et les femmes représentaient plus de 20 pour cent des combattants juifs. La majorité d’entre eux appartenaient à l’organisation de jeunesse communiste (Rabotnicheski Mladezhki Sayuz) et / ou à des organisations sionistes comme Maccabi, Hachomer Hatzair et Betar, comme c’était le cas pour les résistants juifs
à travers l’Europe.
– Alignées contre la résistance ne se trouvait pas seulement l’armée bulgare, mais aussi la police du pays et une unité de gendarmes spécialement créée. Ces derniers étaient
notoirement connus pour avoir commis des atrocités contre les partisans capturés et leurs partisans y compris des décapitations, et l’incendie des villages de sympathisants soupçonnés.
La question se pose de comprendre pourquoi, dans un pays
qui était plus tolérant et accueillant envers les Juifs que beaucoup d’autres en Europe, certains étaient prêts à recourir à la résistance armée. Alors que l’élite juive et les instances officielles de la communauté, étaient majoritairement convaincues que Tsar protégerait les Juifs, la majorité des Juifs de Bulgarie étaient paupérisés et vivaient dans des conditions précaires. Il n’est donc pas surprenant que sionisme et socialisme soient apparus des panacées attrayantes, en particulier pour les jeunes. En même temps, Il y eut une augmentation de l’antisémitisme officiel au début des années 1930 et, en 1941, lorsque
la résistance armée a commencé, on entrevoyait le destin ultime des Juifs dans les territoires contrôlés par les nazis.
L’impact politique et militaire réel de la résistance bulgare est sujet à controverse entre les historiens. Le régime communiste installé après la guerre lui attribuait une importance d’autant plus grande qu’il en tirait sa légitimité. Néanmoins, la résistance peut au minimum être créditée de plusieurs effets non négligeables.
– Elle a maintenu la pression sur le gouvernement pour qu’il ne succombe pas aux demandes allemandes de
déclarer la guerre à l’URSS. Le tsar craignait que déclarer la guerre à la Russie entraînerait une augmentation considérable de la résistance, car la plus grande partie de la population restait fortement russophile.
– Elle a assassiné des dirigeants fascistes influents. Paradoxalement, cela a également renforcé le contrôle du tsar alors qu’il craignait que le général Lukov et d’autres organisent un coup d’état pro-nazi avec la complicité allemande.
– Elle a empêché ou réduit les approvisionnements aux forces allemandes et contraint le régime bulgare à consacrer des ressources militaires et policières aux combats contre les partisans, en particulier en 1944.
Violetta Yosifova Yakova est une juive séfarade, née à Dupnitsa, une petite ville de Bulgarie occidentale. Son père, un petit commerçant, meurt avant sa naissance, laissant la famille dans des conditions financières difficiles. À l’âge de quatorze ans, elle va donc travailler comme ouvrière dans un entrepôt de tabac, et à 16 ans, elle déménage dans la capitale, Sofia, pour devenir couturière. Elle y adhère bientôt à une cellule de résistance anti-nazie.
A ce moment, la Bulgarie n’est pas occupée par l’Allemagne nazie, mais son régime d’extrême droite, mené par le tsar Boris III, maléfique et opportuniste, déporte 12 000 Juifs bulgares à Auschwitz et Treblinka (personne n’a survécu), emprisonne le reste dans des ghettos et des camps de concentration, déclare la guerre aux Alliés et se prépare à engager les troupes bulgares contre l’Union soviétique.
Dans la bataille cruciale de Stalingrad, leur contribution pourrait faire pencher la balance en faveur de l’Allemagne.
Pour empêcher ce développement, Violeta Yakova et ses camarades des «groupes de combats urbains» exécutent un certain nombre d’éminents fascistes bulgares qui ont pris position en faveur de cet engagement.
Intimidé par leur mort ainsi que par les protestations massives des syndicats, de l’opposition libérale et des chefs de l’église orthodoxes bulgares, le Tsar Boris III fait volte-face, et refuse d’envoyer ses troupes contre l’Union soviétique et de déporter les Juifs restants vers les camps de la mort.
Furieux de sa «trahison», Hitler s’engage à soutenir un coup d’état en Bulgarie et à remplacer le Tsar Boris III par le général Hristo Lukov – un ami de Goering, ancien ministre de la guerre et chef de l’organisation fasciste «Union des légionnaires bulgares» -, mais le coup d’état est évité, car le 13 février 1943, le général Lukov est abattu par Violeta Yakova.
Plus tard, en 1943, le mouvement partisan s’étant renforcé, met fin à l’activité des groupes urbains et Yakova rejoint un détachement partisan en Bulgarie occidentale.
Au printemps 1944, des actions partisanes conduisent le gouvernement à réunir une force d’environ 100 000 hommes dans le but d’écraser les partisans.
Cette tentative échoue, mais de nombreux combattants de la Résistance tombent, et parmi eux Violeta Yakova.
Alors qu’elle rejoint seule son unité, elle est faite prisonnière, brutalement torturée, collectivement violée et horriblement mutilée. Elle périt le 18 juin 1944, peu après son 21e anniversaire, et moins de trois mois avant la chute du régime fasciste bulgare.
Sur une place de Radomir, sa ville natale, un monument rappelle son sacrifice héroïque.
(Sources: Michael L. Hoffman “Jewish Resistance in World War II Bulgaria” et J-Grit)
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