Ses années d’enfance sont aussi les dernières années de domination hongroise sur les Slovaques, après environ mille ans. La magyarisation au dix-neuvième siècle, au cours duquel les Hongrois tentent de transformer la Hongrie en un pays d’une seule nationalité, ont également fait des résidents juifs de Pressburg, où les Slovaques étaient minoritaires, des locuteurs d’allemand et de hongrois. Lorsque la République tchécoslovaque est créée en 1918, Gisi, alors âgée de vingt-six ans, devient citoyenne d’un nouvel état dont elle ne sait pas parler la langue slovaque locale.
En 1915, elle épouse le prospère Josef Fleischmann dont elle a deux filles: Alice et Judith. À peu près à cette époque, Gisi découvre le sionisme dont les idées en se propageant rencontrent une forte opposition des dirigeants orthodoxes même en Slovaquie. Bien que les parents, et même la famille toute entière, sont membres de cette communauté, ils n’empêchent pas leurs enfants de transformer leur restaurant cacher du quartier juif de la ville en principal lieu de rendez-vous pour les partisans du sionisme.
L’activité publique de Gisi a commence en 1925 quand elle rejoint Julia Knoepfelmacher, la fondatrice du WIZO en Slovaquie. Gisi en devient bientôt vice-présidente. Avec Hannah Steiner, et Marie Schmolka, actives dans la partie tchèque de la Tchécoslovaquie, Gisi s’attelle à l’organisation du travail social, de l’activité éducative et de la formation pionnière en Slovaquie. Lorsque des réfugiés d’Allemagne arrivent après la prise de pouvoir de Hitler, Gisi est parmi les premiers à répondre à leur détresse. Son assistance tous azimuts, qui inclus l’organisation du recyclage professionnel, conduit à ses premiers contacts avec les représentants du Joint Distribution Committee à Prague et avec sa direction centrale à Paris. Au printemps 1938, des réfugiés d’Autriche affluent en Slovaquie. Les dirigeants de l’HICEM, une combinaison des trois organisations d’aide aux immigrants les plus importantes, dont Gisi Fleischmann, sont parmi ceux qui fournissent l’aide la plus importante . Ils sauvent plusieurs dizaines de réfugiés du Burgenland, en Autriche, parqués dans des conditions déplorables sur le pont d’un bateau ancré sur le Danube, sous garde hongroise. Ils ont été expulsés d’Autriche comme apatrides, et la Hongrie et la Slovaquie refusent de les accueillir. Grâce au rôle central de Gisi auprès de Bratislava, les réfugiés sont sauvés, amenés en Slovaquie puis en Palestine. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, son activité intense en faveur des réfugiés l’amene à devenir la représentante du HICEM et du Joint en Slovaquie.
Son travail acharné auprès de Londres et de Paris pour obtenir des visas d’entrée pour les nombreuses personnes souhaitant émigrer n’aboutit pas car les pays occidentaux ne sont pas disposés à accepter les Juifs. En août 1939, elle écarte poliment la suggestion de ses amis de ne pas retourner en Slovaquie. Elle se considère comme la représentante de ceux qui cherchent un refuge, et il est hors de question de donner la priorité à son salut personnel.
La politique nazie jusqu’à la veille de la Shoah est de se débarrasser des Juifs par l’émigration. Les réfugiés qui cherchent à aller en Palestine continuent d’arriver à Bratislava. La rumeur d’une voie vers la Palestine via la rivière Danube répandue par des militants sionistes locaux accroit le flux de réfugiés. Les nombreux obstacles à l’organisation de leur immigration légale ou clandestine les obligent à rester à Bratislava pendant de longues périodes, dans les bâtiments que la communauté loue pour eux. Gisi est parmi ceux qui s’occupent de leurs besoins matériels et pour leur donner du courage, de leurs besoins culturels aussi.
En peu de temps, plusieurs événements affectent la famille de Gisi qui la touchent beaucoup. Sa mère vient vivre avec elle après avoir perdu son mari. La séparation d’avec ses filles, qu’elle a réussi à envoyer en Palestine en 1939, lui est très pénible, bien qu’elle sache qu’elle les envoie dans un endroit plus sûr. Des hooligans antisémites tuent son frère adoré Gustav, et sa femme, Lily, tombe par la suite dans la dépression et se suicide en 1940. Gisi aussi est devenue veuve, et tout cela se produit alors que la persécution anti-juive augmente et qu’elle est obligée de consacrer des efforts croissants à ses activités publiques.
En septembre 1940, le gouvernement slovaque s’apprête établir le Judenrat et, en même temps, à interdire toutes les organisations juives. Ce décret suscite une grande peur dans les milieux juifs. Même les dirigeants sionistes se réunissent pour décider s’ils doivent rejoindre l’organisation imposée. Ceux qui sont pour, et parmi eux Gisi, déjà alors membre du comité exécutif de la Fédération sioniste, estiment que leurs responsabilités envers la communauté juive en Slovaquie à cette époque ne leur permettent pas de se tenir à l’écart et qu’ils doivent agir du sein de l’organisation, même forcée, au bénéfice de leur communauté. La majorité des Juifs, y compris les milieux orthodoxes et réformistes, sont du même avis.
La responsabilité de l’établissement du Judenrat, et de recruter son personnel est confiée à la communauté orthodoxe, majoritaire au sein de la population juive locale . Le secrétaire national de la communauté orthodoxe, Heinrich Schwartz, prend le rôle de président. Gisi est placée au service de l’immigration en tant que représentante du HICEM. Lorsque les nazis mettent un terme à la politique d’émigration à l’automne 1941, elle rejoint la direction du département de protection sociale. L’exclusion des Juifs de la vie économique et de leurs moyens de subsistance laisse des milliers de personnes démunies. Gisi a plus que suffisamment de travail.
Au printemps 1941, les autorités arrêtent Schwartz, qui a tenté de gêner l’exécution de leurs décrets. Il réussit à s’échapper en Hongrie. Schwartz est remplacé par Arpad Sebestyen, le directeur d’un collège juif de Bratislava, qui manque d’expérience de gestion publique. L’obéissance de Sebestyen dans l’accomplissement des ordres du gouvernement et sa soumission au fonctionnaire du Judenrat Karol Hochberg (exécuté par des partisans juifs en 1944) provoque un mécontentement croissant parmi plusieurs administrateurs qui voient en lui un collaborateur de l’adjoint d’Adolf Eichmann en Slovaquie, l’officier SS Dieter Wisliceny ( jugé et pendu à Bratislava en 1948). Le bureau de Gisi, situé dans un bâtiment séparé de celui des dirigeants officiels, devient un endroit où d’autres employés tiennent des réunions spontanées pour résoudre les problèmes et prendre des décisions concernant les activités illégales. Il est certain que ce qui les attire n’est pas seulement l’emplacement idéal, mais aussi la personnalité unique de Gisi, qui a gagné l’admiration de ses collègues par son engagement dans l’action publique, sa sagacité et son jugement équilibré. Des gens de toutes les tendances sont là: assimilationnistes, sionistes ou ultra orthodoxes. Plus tard, un groupe plus petit appelé Pracovná Skupina (Groupe de travail) se constituera à partir de ces rencontres spontanées.
La décision des autorités de mettre en place des camps de travail sur le sol slovaque est prise à l’automne 1941 et place les employés concernés par ces questions devant un dilemme quant à savoir s’ils doivent coopérer avec cette entreprise. Ceux qui s’y opposent évoquent le danger pour les gens qui seront concentrées dans les camps si la menace d’expulsion est mise en œuvre. Ceux qui y sont favorables, dont Gisi, croient que les camps de travail productifs en raison des avantages économiques pour le pays renforceront les modérés du gouvernement, qui favorisent l’exploitation de la main-d’œuvre juive en Slovaquie. Ainsi, les camps sont mis en place avec l’aide des membres du Judenrat, dont aucun d’entre eux ne peut prévoir que la décision d’expulser les Juifs, faite si tôt, en février 1942, n’a rien à voir avec l’existence de camps de travail.
Lorsque la nouvelle de cette décision atteint les membres du «Groupe de travail», ils se rencontrent pour décider de la façon d’empêcher son exécution. Leur incapacité à empêcher la mise en œuvre de la décision malgré l’utilisation de leurs meilleures relations à tous les niveaux révèle à quel point leur situation est désespérée.
L’engagement complet du rabbin Michael Dov-Ber Weissmandel aux côtés des militants commence au début de l’été 1942, alors que les déportations tournent à plein régime. Le désespoir de tout le monde face à leur impuissance devant la tragédie qui se déploie sous leurs yeux conduit le rabbin à soudoyer les autorités slovaques et Wislieny pour qu’ils mettent fin aux déportations. Malgré la forte opposition de ses collègues, Gisi accepte la proposition de Weissmandel de prendre Hochberg comme intermédiaire entre eux et Wisliceny.
En raison de la sensibilité du sujet, un petit groupe de militants qui s’opposent à la direction officielle doievnt être choisi pour l’opération de corruption. Weissmandel suggère que Gisi dirige le groupe – proposition acceptée à l’unanimité. Outre sa capacité unique à gagner la confiance des gens animés par des visions du monde différentes, Weissmandel prend en compte ses liens avec les représentants des organisations juives mondiales, sachant que leur démarche nécessiterait beaucoup d’argent.
A partir de là, la principale tâche de Gisi consiste en une abondante correspondance clandestine avec Saly Mayer, le représentant du Joint Distribution Committee en Suisse, Richard Lichtheim de l’Agence juive, Natan Schwalb de He-Halutz en Suisse et, plus tard, avec les représentants de l’Agence juive en Turquie. Dans le même temps, elle s’active dans de nombreux domaines, mais principalement l’obtention d’aide pour les réfugiés et les populations locales dans le besoin.
La croyance que l’opération de corruption a empêché la déportation des juifs slovaques en octobre 1942 encourage Weissmandel à convaincre ses collègues sceptiques d’initier, via Wisliceny, un plan pour sauver tous les Juifs d’Europe. Gisi soutient cette nouvelle initiative, appelée Plan Europa, et commence une correspondance intensive avec les organisations juives. Mais elle rencontre beaucoup de tensions en raison de l’incapacité des organisations à respecter les paiements auxquels elles se sont engagées. L’interdiction des Alliés de transférer de l’argent vers le territoire ennemi, l’absence de tels montants entre les mains des représentants du Joint en Suisse et peut-être aussi le scepticisme des militants du monde libre au sujet du plan Europa convergent pour que les appels des importantes sommes d’argent réclamées par Gisi restent sans réponse. La décision de soutenir le Plan Europa n’est prise que sous la pression des dirigeants du Yishuv favorables au Plan qui insistent pour l’approuver, même si la probabilité de succès est minime. Ce n’est pas le manque de fonds qui servira de prétexte à l’arrêt des négociations en septembre 1943, qui, pour beaucoup, n’avaient aucune chance d’aboutir, même au début.
Parallèlement aux efforts déployés pour arrêter les déportations en Slovaquie et plus tard en Europe, le Groupe de travail s’active pour localiser ceux qui ont été expulsés afin d’offrir de l’aide. Ils le font en employant des frontaliers dignes de confiance. Gisi et ses collègues fournissent aux organisations juives à l’étranger, y compris le Comité de Sauvetage de l’Agence Juive, des adresses de déportés afin qu’ils puissent aussi apporter leur aide. L’aide continue depuis la Slovaquie tant que des signes de vie, aussi faibles soient-ils, parviennent de Pologne.
La nouvelle du moratoire temporaire sur les déportations pousse les Juifs de Pologne dans les ghettos proches de la frontière à fuir en Slovaquie afin de rejoindre la Hongrie plus sûre. Les activistes du Groupe de travail contribuent de toutes leurs forces, ainsi que leur propre réseau frontalier, à cet effort. Gisi conseille les organisations juives au sujet du franchissement de frontière afin d’obtenir de leur part les fonds considérables nécessaires pour couvrir les coûts de chaque évasion. A plusieurs reprises, les membres du comité de sauvetage à Istanbul expriment leur étonnement devant la capacité du Groupe de travail à trouver de nouvelles façons d’aider et sauver les Juifs de Pologne menacés par la reprise des expulsions de Slovaquie. Le comité appèlera ces connexions “la seule fenêtre sur le site de la Shoah”.
L’implication de Gisi dans le Plan de sauvetage des enfants, que Wisliceny amène avec lui en rentrant de Berlin au début de septembre 1943, mène deux fois à son arrestation. À cette époque, Hochberg, qui avait fait la médiation entre le Groupe de travail et Wisliceny, avait été arrêté et, à partir du début 1943, Gisi et son collègue Andrej Steiner ont des entretiens directs avec le conseiller allemand. Le Plan de sauvetage des enfants lancé par les dirigeants du Yishuv amène ses représentants à Londres à faire pression sur le gouvernement britannique pour mettre en œuvre le plan. En conséquence, le gouvernement britannique transmet cette proposition au ministère des affaires étrangères allemand via Anton Feldscher, attaché à la légation suisse à Berlin. Le plan propose de transférer cinq mille enfants des zones d’extermination en échange de prisonniers allemands. Wisliceny informe Gisi que mille enfants ont déjà été transférés du ghetto de Bialystok vers Theresienstadt. Amener les enfants en Palestine par la Slovaquie exige une préparation locale. Gisi pense surmonter la difficulté en soudoyant la femme d’Izidor Koso, directeur du ministère de l’Intérieur, et en lui remettant une lettre demandant aux dirigeants des organisations juives en Suisse de l’aider. La découverte à la frontière de la lettre en possession de la femme de Koso, conduit à l’arrestation et à l’interrogatoire de Gisi et à sa deuxième arrestation pendant quatre mois en janvier 1944. La déportation à Auschwitz et l’assassinat des enfants de Bialystok détenus à Terezin ont lieu avant que l’affaire Koso ne soit révélée, ce qui prouve que la découverte de la lettre à la frontière n’a rien eu à voir avec l’échec du plan de sauvetage des enfants.
A la sortie de Fleischmann, suite à des interventions intensive, ses collègues essayent de la persuader d’émigrer en Palestine. Les préparatifs sont faits, mais malgré ses inquiétudes et son désir de retrouver ses filles, elle refuse d’abandonner le combat. Son engagement envers les gens et sa conscience claire des épreuves plus difficiles encore à venir ne lui permettent pas de s’échapper vers le monde libre.
La déportation des juifs hongrois commence le jour de sa sortie de prison. Sans prendre une répit, Gisi se lance à corps perdu dans l’effort pour ramener les enfants, qui ont été conduits en contrebande en Hongrie par crainte qu’ils soient déportés de Slovaquie. Cela sera fait «légalement», avec l’aide secrète de Ján Spišiak, l’envoyé slovaque à Budapest, ou illégalement, par les passeurs de frontière. “Nous cherchons par tous les moyens à amener les enfants à Naomi (Slovaquie)”, écrit-elle à Natan Schwalb, le représentant européen à Genève du He-Halutz, après sa sortie. “Nous ne pouvons pas nous passer d’essayer tout ce qui est possible dans cette affaire”. Pourtant, des épreuves plus difficiles attendent les enfants et les adultes qui réussissent à retourner en Slovaquie entre septembre 1944 et la fin de la guerre.
Au cours de l’été 1944, le militant sioniste travailliste hongrois, Rezsö (Israël) Kasztner, le chef du Comité hongrois de sauvetage, demande au Groupe de travail de l’aide pour obtenir des camions et d’autres matériels qui font partie des négociations avec les Allemands pour sauver les Juifs hongrois restants. Ceux-ci ont conditionné leur réponse à l’implication de Kasztner dans l’avenir des Juifs survivants de Slovaquie. Sans tarder, Gisi rassemble des Juifs locaux précédemment riches et disposent encore de relations. Lors de la deuxième visite de Kasztner, elle possède déjà une liste de fournitures qui pourraient être remises immédiatement. L’entrée de l’armée allemande en Slovaquie et l’insurrection nationale slovaque qui s’en suit du 28 août au 29 octobre 1944 éliminent toute possibilité d’exécution du plan.
Les Allemands retirent la question juive au nouveau gouvernement slovaque. Avec l’aide de fidèles collaborateurs locaux, ils commencent à capturer des Juifs dans les villes du pays et à les emprisonner dans l’ancien camp de travail de Sered, qui transformé en camp de concentration. A cette époque, Gisi a l’opportunité d’aller dans une zone contrôlée par des partisans par l’intermédiaire d’un délégué spécial envoyé pour la mettre en sécurité. Comme elle l’a déjà fait deux fois auparavant, elle refuse d’abandonner sa mission et de se sauver bien que sa mère malade ait déjà été mise en sécurité. Dans la nuit du 28 septembre 1944, a lieu un rafle massive des Juifs de la capitale. Environ un mille huit cents juifs, y compris la majorité du Groupe de travail, sont capturés et emmenés à Sered. L’officier SS Alois Brunner, qui préside aux déportations, permet à Gisi et à son collègue Tibor Kovács de rester dans leur bureau du 6 de la rue Edlová. Sous l’œil vigilant des SS, ils sont chargés de pourvoir aux Juifs emprisonnés à Sered. Le siège de la Gestapo est stationné dans le même bâtiment. Le 15 octobre, Gisi, seule dans son bureau, est en train de répondre à un Juif caché qui a demandé de l’aide. Elle réussit à écrire: «Malheureusement, je suis dans la gueule du lion», avant que la porte soit brutalement ouverte par un officier SS. Déchirer la lettre en morceaux ne lui sert à rien. Sur l’ordre de Brunner, elle est emmenée immédiatement à Sered, où on lui promet de la libérer en échange des noms des Juifs cachés. Elle subit les durs interrogatoires avec courage. Son collègue, Oskar Neumann, également emprisonné à Sered, qui parvient à la rencontrer en secret sous couvert de la nuit pourra en témoigner. Deux jours plus tard, le 17 octobre, Gisi est incluse dans le dernier transport de Slovaquie vers le camp de la mort d’Auschwitz. Selon les instructions de Himmler, l’assassinat par gaz a été arrêté fin octobre et l’effacement des traces du génocide a commencé. Sur l’ordre explicite de Brunner, les lettres RU (Rückkehr unerwünscht-retour indésirable) ont été ajoutées à son nom sur la liste . Quand le train qui la transporte arrive à Auschwitz, deux noms sont appelés par haut-parleur. Gisi Fleischmann est l’un d’entre eux. Selon le témoignage oculaire d’un survivant slovaque, elle est enlevée par deux officiers SS et n’a jamais été retrouvée.
Sa mère âgée et malade survit à la guerre seulement quelques mois de plus sans comprendre le «silence inexplicable» de sa fille chérie. Jusqu’au jour de sa mort, elle n’en apprendra jamais la raison.
(Source: Gila Fatran in Jewish Women’s Archive)